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1951 - La Revente et Reconstruction de la Villa Martel: Une Transformation Architecturale

1951 à nos jours – La Villa Martel : Chronique d’un déclin et de Faits Historiques

La Villa Martel, édifice emblématique situé à Saint-Raphaël, est le témoin silencieux de plusieurs décennies d’évolution, marquées par des cycles de vie familiale, de spéculation immobilière, d’abandon progressif et de détériorations successives. Le parcours de cette bâtisse est révélateur d’un enchaînement de décisions et d’événements ayant conduit à sa situation actuelle, reflet de responsabilités multiples.

1951 - 1985 - Une demeure familiale avant les mutations immobilières

De 1951 à 1981, la Villa Martel fut une résidence familiale occupée par la famille Lambert, un symbole d’une époque où la propriété vivait encore au rythme de ses habitants. Cependant, les années 1980 marquent un tournant décisif :

  • 1981-1985 : La villa est l’objet d’une succession rapide de ventes impliquant diverses sociétés immobilières, témoignant d’une période d’intense spéculation.
  • 1985 : Steve Marcus acquiert la villa par l’intermédiaire d’une société. Loin de retrouver sa splendeur, la demeure est laissée inoccupée, puis est squattée et détériorée, amorçant une longue phase d’abandon,

1985 - 1992 - Un abandon progressif et ses conséquences

De 1985 à 1992, la Villa Martel devient progressivement un espace déserté, attirant les squatteurs. Le site se transforme en un lieu de dégradations multiples et de préoccupations pour les riverains, qui signalent régulièrement la situation. Malgré les alertes, la villa reste livrée à elle-même, dans un contexte où la sécurisation du site reste un défi complexe.

En 1992, un incendie provoqué par des squatteurs vient aggraver considérablement l’état de la propriété. Cet événement dramatique marque une étape charnière dans la dégradation de la villa. Face à ce sinistre, un rapport d’expertise est commandé par les autorités pour évaluer l’état structurel de l’édifice.

1992 - Les conclusions du rapport

Les conclusions du rapport dressent un état précis de la situation à cette époque :

  • Les tuiles tombées sur le plancher indiquent que le toit, bien que détérioré, restait encore partiellement en place.
  • La structure générale, bien que dégradée, ne pouvait juridiquement être considérée comme en ruine, attestant que la villa conservait encore un potentiel de préservation à cette époque.

1995-1996 - Une adjudication en cours ignorée par l’administration

Ce constat souligne la réalité de l’époque : la villa, malgré l’abandon et l’incendie, aurait pu faire l’objet d’une restauration adaptée, évitant un déclin supplémentaire.

Entre 1995 et 1996, M. Marcus, propriétaire de la Villa Martel, était impliqué dans plusieurs procédures judiciaires, notamment des poursuites liées à des impayés. Ne s’acquittant plus des échéances de son prêt, la banque a engagé une procédure d’adjudication visant à recouvrer ses créances, comme en atteste le procès-verbal d’huissier de mai 1996.

Juridiquement, une adjudication en cours entraîne la mise sous séquestre du bien concerné, privant le propriétaire de son droit de disposer librement de celui-ci. Dans ce contexte, M. Marcus n’était pas en droit de consentir à des utilisations du bien, telles que l’accueil d’un tournage de film, comme celui qui a eu lieu en septembre 1996.

Cette situation soulève des questions sur la légalité des démarches entreprises à cette époque pour autoriser l’utilisation de la Villa Martel dans le cadre de ce tournage.

1996 - Un tournage controversé et la destruction complète du toit

En 1996, alors que la Villa Martel était en cours de procédure d’adjudication, le tournage du film « Double Team » avec Jean-Claude Van Damme impliquant une explosion est autorisé sur le site, marquant un tournant décisif dans l’histoire de cette propriété emblématique.

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Sony Pictures 1996 « Double Team » realisé par Tsui Hark

L’autorisation du tournage était conditionnée par des exigences claires :

  1. L’obtention d’accords des administrations compétentes.
  2. La remise en état du bâtiment après le tournage, avec un constat formel établi par le service d’urbanisme.

Autorisation de tournage

Autorisation de tournage avec réserves de la mairie de Saint-Raphaël du 25 septembre 1996

Cependant, malgré ces conditions, aucun contrôle rigoureux n’a été effectué avant, pendant ou après le tournage :

  • Le propriétaire, en procédure d’adjudication, n’avait pas le droit de louer le bien.
  • Les autorisations nécessaires auprès des autres administrations n’ont pas été obtenues ni vérifiées.
  • Aucune remise en état n’a été réalisée, malgré l’engagement préalable exigé pour autoriser le tournage.

Avant cet incident, plus de 50 % du toit de la villa était encore en place, comme en attestent :

  • Les photos du procès-verbal d’adjudication du 31 mai 1996.
  • L’article de Nice Matin du 7 octobre 1996.
  • Les images satellites datées entre 1992 et 1996.

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PV d’huissier du 31 mai 1996 en vue de l’adjudication du bien

Var Matin

Article de Var Matin du 7 octobre

Vue satellite

Vue satellite de 1993 provenant de l’IGN

Cependant, suite à l’explosion réalisée pour les besoins du film, le toit est totalement détruit, exposant le bâtiment aux intempéries. Cet événement accélère la détérioration de la villa. Par la suite, la structure sera qualifiée de ruine par la justice, bien que des preuves tangibles démontrent que cette destruction découle directement de l’explosion et non uniquement de l’usure du temps, et donc aurait pu bénéficier d’un permis de réhabilitation suite à un incident identifié en zone naturelle, qui plus est par un incident ne pouvant pas être officiellement autorisé par le propriétaire mais autorisé par la mairie sans trace d’accord du propriétaire.

L’intérêt architectural et patrimonial désormais reconnu

Malgré son état de délabrement, la Villa Martel possède un intérêt architectural et patrimonial longtemps négligé. En 2010, la Cour d’Appel de Marseille a estimé qu’aucune justification patrimoniale n’avait été démontrée pour permettre l’application de l’article L111-3 du Code de l’urbanisme, qui aurait facilité une réhabilitation du site.

Depuis cette décision, des recherches approfondies menées par les derniers propriétaires, en collaboration avec un architecte du patrimoine, ont révélé des éléments attestant de l’intérêt exceptionnel de la villa :

  • Une architecture innovante pour son époque, en parfaite harmonie avec le paysage naturel de l’Estérel.
  • Des caractéristiques uniques qui en font un témoin précieux de l’histoire locale et de l’évolution architecturale régionale.
  • Des rapports d’expertise et des études diffusées sur des sites spécialisés, renforçant la légitimité patrimoniale du bâtiment.

Ces informations ont été communiquées à plusieurs reprises aux autorités, soulignant l’opportunité d’une réhabilitation qui valoriserait ce patrimoine unique.

Un symbole d’inaction et de dégradation

La situation de la Villa Martel résulte d’une série d’événements malheureux et d’un manque de coordination autour de la gestion de ce patrimoine :

  • Une explosion autorisée dans des conditions non conformes, entraînant la destruction complète du toit.
  • L’absence de suivi des engagements pris lors du tournage, laissant le bâtiment exposé et fragilisé.
  • Un manque de reconnaissance, pendant des années, de la valeur patrimoniale du site malgré des preuves solides.

Un avenir à reconstruire

La Villa Martel demeure un symbole à la fois de déclin et d’opportunités manquées. Pourtant, les recherches récentes démontrent clairement son potentiel patrimonial et historique, offrant une chance unique de redonner vie à ce lieu chargé d’histoire. La réhabilitation de la Villa Martel ne serait pas seulement un acte de préservation, mais aussi une reconnaissance de son rôle culturel et architectural dans le paysage de l’Estérel.

Ce bâtiment, autrefois symbole de grandeur, mérite aujourd’hui une nouvelle attention, loin des négligences passées, afin d’honorer la mémoire et l’histoire qu’il incarne.

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